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Les Assises Internationales du Roman avec l’ENT du Rhône.
Article mis en ligne le 24 novembre 2011
dernière modification le 28 janvier 2012

par Christiane Chyderiotis

Interaction lecture- écriture autour du roman d’Olivia Rosenthal, Que font les rennes après Noël ?

Les Assises Internationales du Roman s’ouvrent aux collégiens de 3ème qui, grâce à l’ENT du Rhône, laclasse.com, découvrent un roman contemporain et son auteur.

Les Assises internationales du roman sont désormais ouvertes aux
collégiens de troisième et leur permettent de découvrir un roman
contemporain et son auteur. Pour l’année 2010, c’est l’ouvrage
d’Olivia Rosenthal, Que font les rennes après Noël ? qui a été retenu. Grâce
à l’espace numérique de travail du Rhône, laclasse.com, les élèves ont pu s’exprimer sur le livre et dialoguer avec l’auteur. Le projet a débuté au
mois de janvier 2011 et s’est achevé le 26 mai 2011 avec la participation des
élèves à une lecture publique lors des Assises internationales du roman.


 Historique

L’animation pédagogique autour des Assises Internationales du Roman ne
s’adressait jusqu’en 2009 qu’à un public de lycéens. Il a semblé intéressant à
l’inspection pédagogique régionale de la compléter par une action conçue spécialement pour les collégiens. En 2010, une première expérience d’atelier littéraire avait été mise en place autour du roman d’Agnès Desarthe, Le Remplaçant.
Une quinzaine de classes s’étaient alors associées au projet soutenu par le
centre d’innovation numérique du Département, qui avait déjà réservé sur l’espace numérique de travail (ENT)du Rhône, laclasse.com un blog dédié à cette action.

Les initiateurs de ce projet, la Villa Gillet, l’inspection pédagogique régionale,
la délégation académique à l’action culturelle et à l’enseignement artistique
(DAAC ) et le centre multimédia Érasme du département du Rhône, ont été
convaincus de l’intérêt de poursuivre cette action et de la faire entrer dans le
cadre des projets à thématique artistique initiés par la collectivité sur l’espace numérique de travail, qui mettent en relation, autour d’un même sujet et par l’intermédiaire d’un site spécialement créé, un artiste en résidence et des classes de collège.
Le choix d’un roman et d’un auteur susceptible de s’impliquer activement dans
cette démarche a incombé à la Villa Gillet, le Département s’engageant dans la
création du site collaboratif, les IA-IPR et la DAAC assurant la diffusion du projet et son suivi pédagogique.

 Mise en œuvre et calendrier

À la rentrée de septembre 2010, un courrier informe les établissements et invite les classes à s’inscrire à la fois sur l’ENT la classe.com et par voie hiérarchique. L’achat des livres reste à la charge de l’établissement. Dix collèges vont ainsi participer.

Le choix s’étant porté sur Olivia Rosenthal et sur son dernier roman, Que font les rennes après noël ?, le calendrier se définit de la façon suivante :
- Novembre/ décembre 2010 : lecture du livre par les enseignants.
- 10 janvier 2011 : rencontre des enseignants avec Olivia Rosenthal, définition du projet et formation à l’utilisation du site collaboratif, http://air.laclasse.com.
Création d’une liste de diffusion.
- Semaine du 14 février 2011 : rencontre d’Olivia Rosenthal avec les élèves dans les établissements.
- Janvier à mai : publications de « signes » par Olivia Rosenthal, comme autant
d’appels à réagir par l’écriture.
- 26 mai 2011 : participation des élèves à une lecture publique la semaine des
Assises Internationales du Roman.

 Esprit du projet AIR collège

-Découvrir une œuvre contemporaine « résistante »
Les AIR-Collège séduisent par le défi qu’elles proposent de relever : faire découvrir à des élèves encore jeunes la littérature contemporaine « vivante », les confronter à une œuvre qui ne leur est pas spécialement destinée. Professeurs et élèves se retrouvent ici pour ainsi dire à égalité, dans la mesure où cette découverte se fait presque simultanément. Il s’agit bien là d’entrer ensemble dans un roman qui intrigue, qui résiste, qui interroge tant par l’écriture que par les thèmes qu’il aborde. Et c’est ce qui est à la fois déroutant et passionnant.

-Établir une relation privilégiée avec l’auteur

Le parti pris des AIR-Collège est d’instaurer une relation entre l’auteur et les classes dans un va-et-vient permanent sur toute la durée du projet. Si dans un premier temps les élèves font connaissance avec Olivia Rosenthal par l’intermédiaire du dossier de presse publié sur le site, rapidement ils sont interpellés directement par elle, lorsqu’elle les invite à s’interroger avant toute lecture sur le titre, la première de couverture, la dédicace et d’inventer « leur » livre.

Fig. 1 - Premier signe d’Olivia Rosenthal : "Comment apprivoiser un livre".

Par la suite, les travaux d’écriture publiés sur le site en réponse aux « signes » d’Olivia reçoivent de sa part un commentaire personnalisé : les jeunes « auteurs » sont alors pris en compte comme des interlocuteurs à part entière, dans un dialogue de « créateur » à « créateur ». La rencontre entre auteur et classes dans l’espace du collège nourrit cette relation ; les élèves prennent conscience de ce que peut être la création littéraire, quels choix sont faits et pourquoi. Une façon aussi « d’être apprivoisés » autour d’un roman qui les dérange.

Exemple de réflexion critique et la réponse d’Olivia Rosenthal :

« Je n’ai pas vraiment aimé ce livre car je trouve qu’il est trop répétitif (en particulier les passages sur l’imprégnation), que le style de l’auteur est vraiment dur à comprendre, et qu’on ne remarque presque pas la comparaison entre les hommes et les animaux qui est pourtant un des sujets principaux du livre. Je me suis plus intéressée aux passages scientifiques sur les animaux qu’à la vie du personnage principal. (…) Malgré cela, je suis contente de l’avoir lu, car j’ai découvert une autre façon d’écrire. »

Fig. 2 - Réponse d’Olivia Rosenthal.

La participation à l’ultime rencontre, lors des Assises Internationales du Roman au mois de mai, vient comme en point d’orgue. Tous les collégiens sont invités, dans le cadre solennel des Subsistances, à une lecture de textes choisis par Olivia, qui font échos à son roman, les plongeant par là-même, au cœur de l’actualité culturelle et littéraire.

Fig. 3 - lecture publique pour les collégiens aux Assises Internationales du Roman, le 26 mai 2011 à Lyon

-Partager une expérience de lecteur

La lecture du roman ne se limite pas ici à l’espace de la classe ou du collège. L’entrée en lecture se partage non seulement avec son professeur et ses camarades, mais aussi avec les élèves des autres collèges dont sont lues avec curiosité les réactions sur le site collaboratif. La confrontation entre les différents points de vue est un moyen pour aborder ce qu’est la critique littéraire. A ce titre, les interventions des jurés lors de l’attribution du prix du Livre-Inter à Olivia Rosenthal ont été particulièrement intéressantes puisqu’elles mettaient en lumière une nuance de jugements dans lesquels les collégiens pouvaient se retrouver.

-Entrer dans l’écriture par des chemins inhabituels

Les signes envoyés par Olivia sont autant d’appels, non seulement à revenir sur la lecture du roman, mais à écrire, en s’appropriant un style, en s’identifiant à un personnage, en imaginant un « autre livre », en s’interrogeant sur soi. Ce n’est plus le professeur qui donne les thèmes dans le cadre contraignant de la classe et du déroulement des programmes, mais l’écrivain qui incite l’élève à s’engager dans le chemin de l’écriture et de la création. La relation à l’écrivain est comme un levier qui stimule l’imagination et libère la voix.

-Utiliser les TICE pour s’informer, écrire, publier

Fig.4 - Le site http://air.laclasse.com, au mois de juin

L’originalité des AIR-Collège tient à l’usage d’une plateforme collaborative conçue spécialement pour permettre les échanges entre les divers partenaires et qui se construit, s’enrichit au fur et à mesure que le projet avance. La Villa Gillet publie au gré de l’actualité littéraire liens, revue de presse, extraits vidéo…. Olivia Rosenthal invite, sur le blog pédagogique, les élèves à réagir à ses appels. Les professeurs, qui ont, seuls, les droits d’écrire, publient en réponse les travaux d’écriture, que commente en retour Olivia. Chaque publication s’accompagne d’un message sur la liste de diffusion qui alerte ainsi l’ensemble de la communauté.
Les élèves sont amenés à visualiser les documents, textes ou images, à les analyser ou à les commenter.
Certains se sont aussi lancés dans une lecture polyphonique du texte qui a été mise en ligne, après l’enregistrement en salle réseau avec le logiciel Audacity.
S’ils n’ont pas de droits d’écriture sur le blog, ils n’en sont pas moins auteurs. Le traitement de texte prend ici tout son intérêt : écriture individuelle ou collective, mise en forme de textes, partage par l’intermédiaire du réseau pédagogique ou de la messagerie de l’ENT.

 Pistes de travail

-Accompagner la lecture

Le souci principal dans ce projet a été de faire lire le roman par l’ensemble des élèves sans pour autant retomber dans le cadre formel du compte rendu de lecture obligatoire. Aucune subvention n’ayant été attribuée, les établissements ont fait le choix d’acheter un certain nombre de livres, qui ont ainsi pu circuler d’élève en élève.
Il était difficile pour beaucoup d’aborder seuls la lecture : la lecture des premiers chapitres a pu être faite en classe, lecture individuelle, collective, à deux voix après la découverte de la spécificité de l’écriture polyphonique.
Les consignes d’Olivia, claires et précises, étaient là aussi pour inciter les élèves à dépasser leur appréhension, à adhérer à un texte « difficile ».
Le professeur documentaliste, qui a toute sa place dans ce projet, a été présent dans certains dispositifs pour offrir, au CDI, un espace approprié, afin de faciliter le travail de groupes, la circulation des livres, l’écriture sur ordinateur ou à la table, proposer d’autres romans d’Olivia Rosenthal.

Accompagner l’écriture

Le projet ne pouvait pas s’intégrer durablement à une séquence traditionnelle, étant donnée sa durée. Il convenait donc de ménager dans le rythme des séances des espaces de temps pour rebondir sur les « signes » lancés par Olivia et organiser les ateliers d’écriture, comme des rendez-vous inattendus, mais réguliers avec les rennes, les animaux et leurs dresseurs, et une petite fille qui se parle à la deuxième personne du pluriel. Cette écriture en liberté a épousé toutes les formes de textes : récits, dialogues, comptes rendus, jusqu’à s’imprégner du style propre au roman. Les élèves ont tour à tour inventé leur début de roman en lien avec le titre, comblé les « blancs typographiques », cherché en eux la part de « domestique » et « de sauvage ». Créations variées, originales, émouvantes, surprenantes qui s’entrecroisent et se répondent sur le site air.laclasse.com.

Exemple des derniers travaux :
Tu voudrais être résistant mais tu ne peux pas vraiment
Il y a ce couvre-feu et ces contraintes
Tu voudrais être résistant mais tu fais comme les autres
Tu joues aux mêmes jeux vidéo et tu parles toujours des mêmes sujets de conversation
Comme sur la température actuelle ou le temps qu’il fait
Tu voudrais être résistant mais tu n’es pas encore prêt
Tu voudrais être résistant malgré ta timidité
Tu voudrais être résistant même si tu as peur d’enfreindre le règlement
Tu voudrais être résistant mais tu ne sais pas par où commencer
Tu voudrais être résistant seulement tu n’as que quinze ans


 Bilan des usages du numérique

L’expérience a été particulièrement stimulante pour les professeurs et les
classes, qui ont accepté de se laisser surprendre dans un parcours hors des
sentiers battus. La disponibilité d’Olivia Rosenthal, sa simplicité, sa réactivité
et la qualité de ses interventions ont permis d’entrer dans un livre a priori
« difficile ». Le projet a été aussi pour elle-même, nous a-t-elle écrit, « très
fructueux, inattendu et riche », sentiment partagé par tous. Fort du bilan positif,
le projet est reconduit pour 2011-2012, autour de Maylis de Kerangal.

En termes d’usages numériques, le CDI, la salle réseau ou la classe mobile sont autant d’espaces de travail au collège (écriture individuelle ou plurielle - enregistrement audio - recherches sur internet). Le traitement de texte permet de corriger, partager, échanger, mettre en forme avant la publication (certains ont choisi de publier en format PDF pour conserver une mise en forme originale.) Par les répertoires partagés du réseau pédagogique ou la messagerie de l’ENT, le professeur reçoit les travaux pour les corriger et les évaluer. Le site collaboratif tient le journal des échanges et des productions, il centralise et met en scène les documents textes, images et vidéos, consultables individuellement ou affichés en classe par vidéoprojection.

Enfin et surtout, la publication en ligne et les réponses individualisées d’Olivia
Rosenthal donnent du sens à l’écriture des élèves et la valorisent.
L’usage des TICE pourrait, sans doute, être encore développé par le renforcement de l’autonomie et de la responsabilité des élèves : recherches personnelles d’informations, créations multimédia, participation plus active au travail de relecture et de rédaction des articles avant publication sur le site, échanges plus directs avec les autres classes.