Parmi les quatre parcours proposés, celui intitulé “Accompagner les jeunes à se construire dans les mondes numériques” proposait :
- deux découvertes de dispositifs innovants,
- deux ateliers de mise en pratique,
- une conférence.
Pourquoi utiliser le design fiction avec les jeunes ? (présentation 1)
Animée par Margot Sarret, designeuse pédagogique chez Fréquences Écoles et ingénieure, ce premier rendez-vous a permis d’approcher la notion de design fiction(ou design spéculatif) qui consiste à explorer les implications d’évolutions futures, à matérialiser des scénarios d’avenirs possibles pour ensuite les mettre en débat, considérant notamment que l’acceptation d’une technologie dépend moins de sa nature que du contexte et de sa perception par les utilisateurs et utilisatrices.
Dans une perspective pédagogique, utiliser le design fiction permet d’interroger la perception que les enfants se font d’une technologie. Pour ce faire, Margot Sarret a présenté une travail mené avec des collégiens : une vidéo (montage de divers films, séries ou documentaires) leur présente la fiction d’une année 2043 dans laquelle robots et machines ont davantage encore investi le quotidien (livraisons, médecine, métiers nouveaux, contrôle et sécurité, …). À partir de cette vidéo, il s’agit d’interroger les jeunes sur les technologies du présent et de décider de nouvelles orientations pour agir. Pour ce faire, chaque technologie évoquée dans la vidéo se voit confrontée à son équivalent embryonnaire actuel. Un débat peut alors être mené entre élèves sur l’acceptabilité ou non de l’évolution de cette technologie, par exemple avec la reconnaissance faciale.
Une fois ce temps de réflexion mené, on peut envisager un travail de rédaction collective de nouvelles lois de la robotique inspirées de celles imaginées par Asimov. L’objectif est de développer l’esprit critique, la créativité et le travail d’équipe dans le groupe concerné par l’activité.
Si le design fiction semble pouvoir être un judicieux enclencheur d’échanges et de débats dans les classes en ce qu’il nous projette dans un futur en lien avec notre réalité contemporaine, la démarche ne nous a pas semblé particulièrement innovante. On retrouve en effet dans l’activité proposée une structure fréquemment adoptée par les enseignants qui travaillent les écrits d’appropriation : passer par la fiction pour interroger le réel, décentrer le regard des élèves dans le temps ou dans l’espace, exploiter le débat pour nuancer les points de vue et faire naître le consensus.
Numérique et enfants à besoins éducatifs particuliers (présentation 2)
Ce rendez-vous pourtant alléchant n’a pu avoir lieu puisque les intervenants prévus, qui devaient présenter des solutions (payantes) innovantes, ont décommandé leur venue. En lieu et place, les participants ont improvisé un temps d’échanges : quelques sujets intéressants ont été soulevés, mais, sans préparation ni objectifs fixés à l’avance, ce rendez-vous a plutôt semblé une présentation des profils d’enfants à besoins éducatifs particuliers et de certains outils fréquemment connus des équipes, sans réelle perspective d’ensemble. Quelques pistes notables :
- les outils collaboratifs (framapad notamment).
- la suite de logiciels possiblement intégrée dans les ENT onlyoffice.com.
- la plateforme fovea en partenariat avec Arte. Déjà intégrée aux ENT des lycées de l’Académie de Lyon, elle propose des activités pédagogiques inclusives articulées autour de courtes vidéos sur le thème de l’ouverture sur le monde.
- l’application Ava disponible sur smartphone et qui permet de sous-titrer en temps réel les conversations de groupe pour les personnes sourdes et malentendantes.
Softs skills : Les compétences comportementales et interpersonnelles (atelier 1)
Cet atelier destiné à des professionnels invitait, à l’ère du numérique, à interroger et à développer les compétences spécifiquement humains et distinctives, soit les soft skills (ou compétences psycho-sociales) qui relèvent du savoir-être plutôt que d’un savoir-faire dans lequel les machines nous surpassent peu à peu. Ces compétences transverses relèvent moins de l’apprentissage que du développement personnel et collectif, d’où les divers tests par équipe proposés dans cet atelier.
Le lien à la thématique générale du parcours est resté obscur. Il ne nous a pas semblé que les professionnels-participants puissent réellement tirer profit des propos tenus, assez superficiels et en l’occurrence plus entrepreneuriaux que pédagogiques ou didactiques.
Corps (d’)Accord : Corps, sexualités et médias sociaux (atelier 2)
Ce second atelier a souffert du manque de temps dans une matinée particulièrement dense. Si beaucoup de faits et statistiques d’intérêt ont été communiqués aux participants, l’articulation aux mondes et outils numériques a semblé là encore passer au second plan – même si le rôle des réseaux sociaux et du web a évidemment été évoqué. Le temps manquant, cet atelier a davantage semblé un exposé sur des questions ou problématiques que de nombreux enseignants travaillent déjà avec leurs élèves (discriminations liées au genre, sexualité, le tabou et l’intime, …).
Comment passer du numérique dans l’éducation à l’éducation au numérique ? - une conférence, quatre intervenants
Durant la conférence finale d’une heure, quatre intervenants se sont succédé.
Pascal Plantard, anthropologue des usages des technologies numériques à l’Université Rennes 2, a évoqué son travail sur les normes sociales d’usage que représentent les outils numériques, et en particulier les réseaux sociaux dont les pratiques ont été profondément bouleversées de Facebook (modèle de pratiques pré-existantes devenu une norme désertée par les adolescents) à Snapchat (invention de nouveaux modèles d’échanges). L’analyse diachronique des pratiques interroge notamment l’économie de l’attention et les stratégies actuelles mises en place via des algorithmes pour l’exploiter (dans le jeu vidéo Fortnite par exemple).
Gilles Bastin, professeur de sociologie à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, a présenté sa réflexion et ses analyses concernant la notion de "bulles de filtres” liée à la personnalisation des données et des médias mais aussi à leur analyse via le machine learning. Tout en nuançant les discours catastrophistes attribuant aux réseaux sociaux ou aux sites de commerce des pouvoirs de manipulation excessifs, l’intervenant a mis en évidence la nécessité d’un travail auprès des jeunes pour développer la conscience politique et critique face au monopole des GAFAM, mais aussi l’usage d’outils adaptés et la nécessité d’initier les élèves à la création médiatique. Créer un journal dans un collège ou un lycée est pour lui un pas décisif pour développer l’esprit critique face au nivellement des informations et aux processus de captation de données personnelles.
Marie Bancal, responsable des partenariats et du développement chez Pix, a quant à elle présenté ce service public en ligne pour évaluer, développer et certifier les compétences numériques. La plateforme a été récemment intégrée aux ENT des lycées de la région Auvergne Rhône Alpes et permet de créer des parcours pour les élèves et les professionnels.
Marion Voillot, doctorante interdisciplinaire entre le CRI Paris (Centre de Recherche Interdisciplinaire, Université Paris-Descartes), l’IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique et Musique) et l’ENSCI-Les Ateliers, a évoqué l’expérience menée dans le cadre de sa thèse en cours pour utiliser le numérique sans interface à écran auprès de la petite enfance. Employer des dispositifs numériques tangibles qui replacent le corps au cœur de l’apprentissage permet en outre de rendre accessibles certaines pratiques aux élèves à besoins spécifiques. Ainsi, l’intégration d’électronique dans des textiles ou la création d’histoires interactives à l’aide des seuls sons ou capteurs de mouvement d’un smartphone sont présentées comme des pistes de réflexion pour diversifier les pratiques du numérique dans la petite enfance.