Comment l’enseignement des lettres doit-il s’emparer des enjeux écologiques ?
Comment peut-il se nourrir des questions vives liées à l’écologie ?
Pourquoi un groupe de travail académique ?
I. ENJEUX et OBJECTIFS
Face au chaos climatique, à l’effondrement de la biodiversité, face à l’immobilisme ou au déni de ceux qui continuent comme avant, l’attente devient forte chez nos élèves, dès le collège, de professeurs qui les aident à choisir entre spleen et idéal, à décrypter les discours et à comprendre le monde, qui stimulent l’envie d’agir. Il appartient à l’enseignement des lettres d’apporter ses propres réponses à cette quête de sens, en complément de celles des sciences.
Au cœur de notre discipline, le décryptage des discours, des intentions affichées ou non, la rencontre des textes et des œuvres d’art, l’apprentissage de l’écrit et celui de la prise de parole répondent à des enjeux de formation littéraire et personnelle. L’éco-anxiété, majoritaire chez les adolescents, expose au fatalisme, à la résignation face à un monde sans boussole. À certaines conditions, elle peut aussi nourrir le désir d’agir, car elle procède d’une lucidité, d’une soif de réponses à de nouvelles questions anthropologiques. Les professeurs de lettres savent cultiver cette lucidité, ils ont des réponses à apporter.
Pour ne pas simplifier la complexité de ces questions entremêlées, les croisements entre les disciplines s’imposent toutefois comme une approche féconde. En dehors de l’école, de très nombreux scientifiques cherchent à décloisonner leurs disciplines pour mieux partager leurs savoirs. Ils s’ouvrent aux sciences humaines, ils développent les approches artistiques, notamment fictionnelles et théâtrales, des questions écologiques.
Les humanités environnementales et l’écopoétique ouvrent un chemin symétrique, en intégrant apports scientifiques et interrogations actuelles à l’épistémologie des disciplines littéraires. Les formes de l’engagement et la question des valeurs en littérature se renouvellent dans le cadre conceptuel de la pensée critique en écologie. N’y voir nulle instrumentalisation mais l’effet d’un mouvement d’ampleur pour des savoirs reliés, pour une fertilisation réciproque des arts et des sciences, qui se déploie dans de multiples projets, à l’échelle des classes et établissements, villes et villages, pays et continents.
Au-delà d’une simple sensibilisation des élèves aux enjeux du développement durable, le groupe de travail lettres et écologie cherche à quelles conditions l’acquisition de savoirs littéraires et langagiers contribue à construire du sens, permet de s’orienter, aide à agir. On trouvera ici quelques uns de nos axes de travail.
II. AXES DE TRAVAIL
En lettres, des questions pédagogiques nouvelles se posent aux professeurs de collège et de lycée désireux de participer à ce mouvement. Pour les accompagner, quels objectifs conceptuels et opérationnels donner à notre groupe de travail académique ?
1. Situer ces questions et activités dans un cadre conceptuel et philosophique renouvelé, au regard des tensions et antinomies structurant le champ de la pensée écologique : temps géologique/vie humaine, conquête/atterrissage, performance/robustesse, croissance/prospérité, considération/domination, libertés/interdépendances, abstraction/sensibilité, imaginaire consumériste/bifurcation, humains/non-humains déconnexion/reconnexion à la nature… Partager des références bibliographiques (ouvrages, articles, conférences en ligne) pour se former sur ces questions.
2. Formuler et discuter les objectifs à poursuivre, les questions de métier qu’ils soulèvent, les problématiques d’enseignement et d’apprentissage, en explicitant les liens avec les programmes de collège et de lycée (français, HLP), les liens avec d’autres enseignements transversaux (EMC, EMI…), les compétences du référentiel EDD.
3. Interroger les expressions de « nouveaux récits » et de « futur désirable » termes sémantiquement extensifs, entre fécondité du romanesque et regain de propagande publicitaire. Autre débat : écrire ce qui est (pister les créatures fabuleuses) ou écrire ce qui vient ? (cf l’article Imaginaires de l’avenir). Partager des séquences à dominante écriture, cf projet copiloté par l’Office for Climate Education.
4. Partager des pistes de lectures pour les élèves, des corpus de textes, d’images et d’autres œuvres, assorties de pistes de questionnement et de travaux en classe. Voir lien
5. Partager des séquences en lien avec la formation de l’esprit critique et civique, avec l’apprentissage du débat et de l’éloquence, sur des questions écologiques socialement vives
6. Projets théâtre et écologie.
Toute remarque sur ces pistes, toute autre proposition sont les bienvenues.
Nicolas Desormonts, IA-IPR de lettres, pilote du collectif EDD de l’académie de Lyon - 2024