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Instagram & la lecture d’oeuvres patrimoniales

Cette expérimentation permet de questionner l’usage des réseaux sociaux - et ici particulièrement Instragram - pour accompagner les élèves dans la lecture d’une œuvre littéraire intégrale.
Il a été demandé aux élèves d’imaginer les profils Instagram des personnages de "On ne badine pas avec l’amour" de Musset.

Article mis en ligne le 20 décembre 2019
dernière modification le 12 décembre 2019

par Claire Augé
  • 1. Remarques initiales

Les nouveaux programmes de français mettent l’accent sur la lecture et l’étude d’œuvres intégrales patrimoniales en classe de seconde et de première. Face à un public de petits lecteurs, il est souvent nécessaire de mettre en place un dispositif de lecture, permettant de les accompagner dans la découverte d’œuvres exigeantes et souvent difficiles.

Instragram est un réseau social fondé en 2010 et appartenant depuis 2012 à Facebook. Ce réseau social est un service de partage de photographies et de vidéos. Sur chaque photographie ou vidéo partagée, il est possible d’identifier des gens, d’écrire une légende, de la répertorier en écrivant des mots clefs (hashtags) - code d’écriture commun à Twitter, Facebook et Instagram. Les utilisateurs peuvent "liker" les photographies partagées et les commenter, instaurant un échange entre l’auteur et ses "lecteurs". Si, aujourd’hui, Facebook est majoritairement délaissé par les lycéens, Instagram a le vent en poupe.
L’âge minimum pour utiliser ce réseau social est 13 ans.

  • 2. Objectifs pédagogiques et compétences visés

 Lire une œuvre intégrale, ici On ne badine pas avec l’amour de Musset
 Motiver les élèves à lire une œuvre patrimoniale complexe
 Travailler la compréhension et l’interprétation des différents personnages de l’œuvre
 Initier une analyse de texte
 Initier une réflexion sur le mélange des registres dans la pièce
 Initier une réflexion sur la mise en scène de l’œuvre
 Amener les élèves à réfléchir à l’usage des réseaux sociaux

  • 3. Descriptif sommaire

Il a été demandé aux élèves, après leurs premières lectures de l’œuvre littéraire et avant son étude en classe, d’imaginer deux publications Instagram que les personnages de On ne badine pas avec l’amour auraient pu réaliser s’ils avaient eu des smartphones et ce réseau social à disposition.

Ce travail peut se justifier par rapport à l’œuvre elle-même où l’orgueil joue un grand rôle. Camille Geoffroy écrit d’ailleurs dans sa note d’intention en 2014 ces mots :

"Car dans On ne badine pas avec l’amour, le drame de chacun vient évidemment de l’orgueil. En voulant à tout crin préserver l’image donnée d’eux-mêmes, les personnages principaux vont à leur perte. Ils manipulent, mentent, détournent et sont bien souvent perdus entre ce qu’ils sont, ce qu’ils disent d’eux mêmes et ce qu’ils cachent. Aujourd’hui, ils écriraient des profil facebook et feraient des « selfies » mais chez Musset, ils se cachent, écoutent aux portes, prévoient des rendez-vous cachés et des lettres secrètes, font de belles tirades mais le drame reste inchangé : à sauver les apparences de soi, on se conduit soi-même à sa perte."

  • 4. Descriptif détaillé

Il s’agissait d’un premier travail de lecture.

L’exercice a été fait deux fois afin de permettre une progression.
La première fois, un personnage secondaire était attribué à chaque élève (Maître Blazius, Maître Bridaine, Dame Pluche, le Baron ou le chœur de paysans). La deuxième fois, les élèves ont tiré au sort un des trois personnages principaux (Rosette, Camille ou Perdican).

  • Consignes distribuées aux élèves

On va imaginer que les personnages avaient, à leur époque, des réseaux sociaux. Pour cela, vous allez devoir
a) Choisir votre scène préférée avec le personnage qui vous est attribué.
b) Préparer une publication pour Instagram avec ou une photo que vous avez prise vous-même qui représente la scène ou les émotions du personnage ou un dessin ou un photomontage réalisés par vous-même. (L’image ou le dessin doivent être libres de droit)
c) Préparer une légende pour cette publication. Dans cette légende, vous écrirez un court texte qui explique ce que vous (votre personnage) avez appris pendant la scène ou ce que vous avez ressenti et avec qui vous étiez.
Vous recopierez la phrase qui vous semble la plus marquante de l’extrait que vous avez choisi et vous mettrez des # correspondants aux thèmes de la scène. On attend au minimum 5 # (autre que #musset !) »

Critères d’évaluation pour la réalisation d’une publication
  Présentation d’une photographie ou d’un dessin ou d’un photomontage libre de droit
  Présence dans la légende d’un court texte rédigé à la première personne (à la place du personnage) qui résume la scène, exprime les émotions du personnage, nous fait part de ses pensées...
  Présence d’une citation coup de cœur recopiée : justification du choix avec une analyse de la citation.
  Présence de 5 # en lien avec la scène

  • Exemples de travaux d’élèves : Autour de la scène de la fontaine ...
  • Prolongements

L’observation des travaux d’élèves permet, au début de la séquence, de prendre en compte plusieurs points :
 la compréhension de l’œuvre par les élèves
 les postures de lecteur mises en place
 les éléments particuliers qui ont retenu leur attention.

Ceci sert de point de départ pour l’enseignement pour :
 entrer dans une étude de texte. Par exemple, les différentes représentations de la fameuse scène de la fontaine ont été observées en amont, pour mettre en valeur la double énonciation de Perdican.

 initier une réflexion sur la scénographie. Par exemple, les travaux proposés ci-dessous ont nourri un travail mené en classe sur les accessoires pouvant être importants pour une mise en scène.

Il leur a été demandé ensuite d’écrire une note d’intention avant de mettre en lumière leur propre lecture de l’œuvre. Pour cela deux notes d’intention ont été étudiées en cours : celle de Camille Geoffroy et celle de Philippe Faure.

 étudier les personnages et l’œuvre. L’observation des différents profils Instagram en classe a permis de dégager plusieurs remarques importantes pour l’étude de l’œuvre comme le mélange des genres (personnages secondaires versus personnages principaux), place de l’orgueil, structure de la pièce...)

 amorcer et étayer un travail d’analyse de citation plus technique. Chaque élève devait noter la citation la plus marquante à ses yeux de sa scène préférée et devait l’analyser. Lors de la correction, le dessin ou la photographie ont été des supports intéressants pour aider à comprendre aux élèves la notion de paraphrase.

Ce travail autour d’un réseau social peut permettre une "lecture actualisante" au sens de Yves Citton, c’est-à-dire une lecture qui "apporte un éclairage dépaysant sur le présent" (Citton, 2007). Il a également servi de point de départ en cours pour un travail de dissertation autour de la place de l’orgueil dans la pièce et pour un débat sur les réseaux sociaux aujourd’hui (EMC et Enseignement numérique)

  • 5. Limites et perspectives

Le travail a été mené "à la manière d’Instagram" et non sur le réseau social. En effet, les élèves ayant investi les codes de l’écriture du réseau social lors du travail "papier", il n’a pas été considéré nécessaire de publier les travaux sur le réseau social, comme pensé initialement. Cette décision est également associée à un souci technique : la page "Instagram" est bloquée sur les ordinateurs du lycée où l’expérimentation a été menée - l’étude des pages en classe en salle informatique était alors impossible.

Instagram est un réseau social qui est petit à petit de plus en plus investi par l’art : on y trouve non seulement des dessinateurs mais aussi de plus en plus d’auteurs, proposant des œuvres proches des feuilletons, des chroniques ou des maximes.

  • 6. Annexes
    Les travaux des élèves, et l’ensemble du projet, sont visibles au lien suivant : ici.
    On peut constater un investissement important des élèves - et des petits lecteurs - dans la lecture de l’œuvre