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Jouer pour le pire ou pour le meilleur ?
Ludifier l’étude de la langue au lycée permet-il une meilleure acquisition des notions et des compétences d’analyse ?
Scénariser un parcours d’apprentissage en s’inspirant du jeu

Comparer deux mises en œuvre d’un même parcours d’apprentissage numérique : un plan de travail autonome et sa ludification scénarisée

Article mis en ligne le 25 mars 2023
dernière modification le 2 avril 2023

par Alexis Gelas

La ludification (ou gamification) des contenus pédagogiques est un mode d’apprentissage au centre de questionnements et de débats nourris, d’autant plus vifs qu’ils s’articulent aux usages du numérique dans et en dehors de la classe. Les outils institutionnels mis à disposition des enseignantes et des enseignants facilitent cette scénarisation ludique dans des interfaces aux choix graphiques souvent perçus comme naïfs et enfantins. Peut-elle dès lors accompagner un travail sur la langue en lycée avec une réelle plus-value pédagogique ? L’expérimentation proposée a eu pour objectif d’évaluer la pertinence de la ludification dans le cadre d’un parcours d’apprentissage consacré à l’interrogative en classe de 1ère Générale.

Objectif pédagogique

Le programme de français de première des voies générale et technologique inscrit comme l’un des objets d’étude de la langue l’interrogation, sa syntaxe, sa sémantique et sa pragmatique. Les compétences de compréhension et d’expression et les connaissances linguistiques étant considérées comme complémentaires, l’étude de la langue s’articule fréquemment avec celle des œuvres intégrales et doit trouver sa place dans les séquences dédiées.
C’est à l’occasion d’une séquence consacrée à Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce qu’il a semblé cohérent et pertinent d’aborder l’objet d’étude de l’interrogation : le texte théâtral est en effet propice aux occurrences de ce type de phrase, et les textes retenus dans le cadre des Épreuves Anticipées de Français à l’oral se prêteront probablement, lors de la passation, à une "question de grammaire" portant sur ce point de syntaxe.

Afin d’engager les élèves dans une approche active des compétences et manipulations qu’implique l’acquisition de la notion, la construction d’un parcours d’apprentissage autonome fondé sur divers exerciseurs numériques a semblé judicieux : les notions en elles-mêmes ne présentant pas de difficultés majeures d’appréhension pour les élèves, elles peuvent être découvertes et mises à l’épreuve sans l’aide de l’enseignante ou de l’enseignant, même si un retour collectif sur les démarches et critères de réussite complètera bien évidemment l’approche en fin de parcours.
Dans ce cadre, j’ai retenu la plateforme Moodle intégrée aux ENT académiques, tout en expérimentant par ailleurs dans le cadre d’une formation sa déclinaison Éléa développée par la Dane de l’académie de Versailles et qui a vocation à être diffusée à l’échelle nationale. Moodle a en effet l’avantage de regrouper plusieurs outils dans un même espace, ce qui facilite pour l’élève le suivi d’un parcours ou plan de travail, et pour l’enseignant celui des acquisitions. J’ai néanmoins veillé à ce que les outils employés trouvent aisément des équivalents sur d’autres plateformes : un catalogue hiérarchisé de liens pourra alors remplacer le parcours Moodle qui les centralise.

Le parcours numérique proposé a donc été pensé pour être mené en autonomie par les élèves, durant le cours ou en dehors. Surtout, il a été conçu pour éprouver un processus de ludification élémentaire rendu possible par les plateformes numériques d’exercices. Certains acteurs défendent en effet l’idée qu’une approche explicitement ludique des acquisitions de connaissances ou compétences favoriserait l’engagement et une forme de satisfaction des élèves, parfois imperméables aux modalités traditionnelles d’apprentissage.

Les interfaces et scénario proposés, qui peuvent parfois apparaître naïfs ou enfantins pour des lycéens, sont-ils véritablement un vecteur de motivation et d’implication supplémentaires ? Permettent-ils une meilleure concentration sur les objectifs d’apprentissage ? L’interface ludifiée ne risque-t-elle pas d’éclipser le développement des compétences au profit de la seule sensation de satisfaction et de réussite du "jeu" scénarisé ?

Compétences

Outre les compétences nombreuses sollicitées dans le Cadre de Référence des Compétences Numériques (CRCN), le travail proposé travaille à développer les suivantes, plus étroitement liées à notre discipline :

  • Comprendre et prendre en compte des consignes ;
  • Améliorer ses capacités d’expression et de compréhension par un enseignement continué de la langue, et par la pratique fréquente et régulière d’exercices variés ;
  • Acquérir un vocabulaire technique permettant de décrire le fonctionnement de la langue et des discours.

La tâche finale du parcours vise par ailleurs à faire prendre conscience aux élèves des critères de réussite à l’examen en les contraignant à une forme de posture réflexive.

Descriptif sommaire

Pour aborder l’objet d’étude "L’interrogation : syntaxe, sémantique et pragmatique" en classe de 1ère générale, un parcours autonome de 45 minutes a été créé pour les élèves grâce aux outils H5P intégrés à Moodle, en veillant à séquencer et à varier les pratiques : QCM, glisser-déposer, texte à trous, fiches de mémorisation (flashcards), évaluation de prestations fictives enregistrées par l’enseignant.

Ce parcours a ensuite été décliné en deux versions, destinées chacune à une classe différente : la première a conservé une forme assez classique de plan de travail progressif quand la seconde a pris la forme d’un scénario ludifié consistant en l’exploration du continent inconnu de l’interrogative.

À l’issue des deux temps de travail, un questionnaire commun a permis d’évaluer la perception par les élèves de ces modalités d’apprentissage.

Descriptif détaillé

Construction du parcours

Le parcours autonome proposé a été imaginé en prenant appui sur la méthodologie ABC (Activity Based Curriculum) Learning Design, développée par Clive Young et Nataša Perović, enseignants à l’University College London (UCL). Elle se veut un guide pour la mise en œuvre de parcours mixtes basés sur six modes d’apprentissage : acquisition, enquête, collaboration, discussion, entrainement, production.
Dans le cadre du parcours consacré à l’interrogative et de son premier temps autonome faisant appel aux outils numériques, les apprentissages par collaboration et discussion ne seront pas convoqués mais réservés au temps de retour en classe qui permettra notamment d’étudier des cas problématiques ou limites à travers des questionnaires synchrones comme ceux proposés à travers Digibuzzer ou Digistorm.

Ce prisme de construction retenu, la structure du parcours a adopté une progression classique, déjà largement répandue dans les pratiques des enseignants et que synthétise le tableau suivant.

Structure du parcours
ÉtapeModalité de travailObjectifOutilDurée approximative
1 Évaluation diagnostique Connaître les types de phrases QCM simple [1] 2 min.
2 Enquête 1 Observer les caractéristiques de l’interrogative directe QCM consécutif à l’observation d’un extrait d’Andromaque (V, 4) de Jean Racine (1667) 2 min.
2-1 Enquête 2 Comparer des interrogatives directes totales et partielles Activité type "Glisser-Déposer" [2] 3 min.
2-2 Entraînement 1 S’exercer sur des extraits d’œuvres au programme QCM pour identifier la portée de plusieurs interrogatives directes 3 min.
2-3 Acquisition 1 Synthèse sur les caractéristiques de l’interrogative directe et ses portées Diaporama en consultation autonome (prise de notes) 4 min.
2-4 Acquisition 2 Vérifier les acquis Activité de mémorisation type "Cartes de dialogue" [3] 1 min.
3 Entraînement 2 Transformer des interrogatives directes simples en interrogatives indirectes Activité type "Texte à trous" 3 min.
3-1 Enquête 3 Observation de trois séries de transformations [4] Page 3 min.
3-2 Acquisition 3 Synthèse sur les caractéristiques de l’interrogative indirecte, ses portées et les points de vigilance lors des transformations Diaporama en consultation autonome (prise de notes) 4 min.
3-3 Acquisition 4 Vérifier les acquis Activité de mémorisation type "Cartes de dialogue" 1 min.
3-4 Entraînement 3 Transformer une interrogative directe en interrogative indirecte et inversement à partir d’extraits des œuvres au programme Activité type "Texte à trous" 3 min.
4 Acquisition 5 Schématisation de la démarche d’analyse de l’interrogative et des critères d’évaluation aux EAF Carte mentale en consultation autonome 10 min.
4-1 Production 1 Évaluer une analyse d’interrogative et sa transformation (oral des EAF) Diaporama interactif incluant la captation audio de cinq prestations fictives [5]

Ce parcours, on le voit, n’adopte pas une démarche fondamentalement originale puisqu’il alterne observation, acquisition et exercices d’appropriation. L’intégralité des activités a été réalisée avec H5P, un outil de création de contenus HTML5 intégré à Moodle et aux ENT académiques. Les tutoriels suivants permettent de voir comment construite les exercices :

Comme envisagé initialement, le parcours apparaît donc aisément transposable en dehors de la plateforme Moodle (par exemple à l’aide d’outils comme ceux de ladigitale), voire même dans le cadre plus habituel de la salle de classe, sans appui impératif sur les outils numériques. Plusieurs des exercices proposés ont d’ailleurs été conçus par mes collègues Cécile Catinchi et Eric Millot qui les ont mis en œuvre sur feuille. Ici, le recours aux outils numériques poursuit essentiellement trois buts :

  1. Permettre à chaque élève de progresser à son rythme en adaptant les retours (messages adaptés selon l’erreur ou la réussite) et en proposant certaines aides qui individualisent les acquisitions,
  2. Engager les élèves dans l’activité,
  3. Construire pour l’enseignant une ressource pérenne, exploitable à divers niveaux et dont la correction automatique permet de visualiser rapidement le niveau d’acquisition des élèves (la synthèse des acquis pour chaque exercice est générée par l’outil, comme on le voit ci-dessous).

Ludification du parcours

Une fois ce parcours et ces ressources conçus, j’ai souhaité les confronter à une ludification explicite, rendue là encore possible par les plateformes évoquées mais que l’on pourrait aisément mettre en œuvre à travers une simple scénarisation en classe ou à travers un plan de travail illustré. Sceptique face aux apports d’une telle démarche dans le cadre de l’étude de la langue au lycée, j’ai voulu observer la mesure dans laquelle l’engagement des élèves dans le travail dépendait de l’interface au sein de laquelle se déploient les étapes de ce parcours.

J’ai donc proposé à deux classes différentes au profil assez équivalent deux interfaces distinctes pour ce même travail autonome.

Classe A

La première classe suivra un plan de travail classique, énoncé comme suit :

Objectif : savoir analyser une interrogative et en comprendre la portée
  1. Répondre au questionnaire de l’étape 1 : "Les types de phrase"
  2. Accéder à l’étape 2 consacrée à l’interrogative directe et à ses portées.
    1. Faire les exercices 1, 2 et 3.
    2. Consulter le diaporama de synthèse (+ cartes de mémorisation).
  3. Accéder à l’étape 3 consacrée à l’interrogative indirecte et au processus de transformation.
    1. Faire l’exercice 4
    2. Consulter le diaporama de synthèse (+ cartes de mémorisation)
    3. Faire l’exercice 5. La réussite détermine l’accès à l’étape 4 du parcours (éléments grisés sur la capture ci-dessous).
  4. Accéder à l’étape 4 pour consulter le schéma de la démarche d’analyse avant de faire l’exercice 6 de synthèse : évaluer des analyses en tenant compte des critères de réussite et les comparer à celles de l’enseignant.
Classe B

La seconde classe se verra proposer un parcours ludifié prenant appui sur l’un des modèles proposés par la plateforme Moodle Éléa, soit la transposition des différentes étapes dans un scénario d’exploration d’un territoire inconnu. Comme la plateforme n’est pas encore accessible aux élèves de l’académie de Lyon, ce scénario a été transposé à travers l’outil H5P "Livre interactif" qui permet de faire se succéder diverses pages contenant textes, images et exercices. Une fois encore, cette ludification prend pour support un outil numérique mais peut tout à fait s’accorder à une succession scénarisée d’exercices au format papier. L’objectif a été énoncé comme suit et illustré par la carte de progression ci-dessous, empruntée à Moodle Éléa :

Bienvenue !
Vous allez partir à la découverte du monde merveilleux de l’interrogative, où les questions se cumulent et les réponses demeurent à construire.

Votre objectif : comprendre comment nous parvenons à exprimer nos questions, distinguer leur portée et les analyser — voire les transformer ! Pour cela, après avoir débarqué dans un univers hostile, vous devrez mener ce parcours autonome en 45 minutes. Il vous guidera à travers quatre décors et quatre temps de travail :

  • Le montagne de la mémoire vous confrontera aux souvenirs grammaticaux que vous avez des types de phrase. Saurez-vous retrouver vos bases ?
  • La prairie et les collines verdoyantes du questionnement vous amèneront à apprivoiser l’interrogative directe et sa portée en langue française
  • Vous affronterez ensuite les dangers extrêmes des déserts de l’interrogative indirecte, pays de mirages et de transformations.
  • Enfin, vous parviendrez aux étendues glacées de la banquise baccalauréaesque en vous incarnant dans la peau d’un examinateur qui fera face à cinq candidats et devra évaluer la qualité de leur prestation lors de la question de grammaire des EAF.

N’oubliez pas votre sac à dos de logique, votre gourde de syntaxe et vos chaussures de rigueur.

En outre, chaque étape du travail ou exercice est accompagné d’un texte de présentation pour intégrer l’activité au scénario :

  • Exemple pour le diaporama de synthèse de fin de l’étape 2, complété d’une activité "Cartes de dialogue" (l’interrogative directe) :

    Vous avez vaincu.
    Autour de vous, étendus au soleil, vous apercevez les cadavres de celles et ceux qui n’ont pas su, comme vous, se poser les bonnes questions.
    Pour eux et pour les générations futures, vous avez consigné dans votre carnet de bord grammatical les premières pages d’un "Guide de survie en milieu interrogatif".
    Relisez-vous pour vous assurer de n’avoir rien oublié avant de tester votre mémoire.

  • Exemple pour l’exercice final consacré à l’interrogative indirecte :

    Forte ou fort de tout ce que vous avez appris sur vous-même et l’art du questionnement, vous reprenez votre marche, indifférent aux mirages qui vous environnent et vous appellent à tomber les armes.
    Rien ne pourra vous arrêter à travers ce désert !

On le voit, le scénario proposé comme sa formulation sont volontairement naïfs, pour ne pas dire caricaturaux. L’objectif n’est pas ici de construire un parcours réellement fin et accrocheur pour les élèves, mais plutôt d’évaluer dans quelle mesure, malgré une interface et un ton enfantins qui semblent devoir provoquer les railleries des lycéen·nes, la ludification permet malgré tout une adhésion accrue à l’activité. En outre, ce dispositif simple et stéréotypé correspond assez largement aux possibilités des interfaces libres, gratuites et simples d’utilisation qui pourraient être amenées à se développer à l’avenir. Des scénarisations plus complexes ou conformes aux goûts des jeunes adultes sont possibles, mais elles nécessitent une maîtrise graphique et des outils techniques plus souvent hors de portée.

À l’issue de ces temps de travail et avant la séance en classe permettant de revenir sur les notions et d’enrichir l’approche par des exercices de discussion et de collaboration, un questionnaire-retour sera proposé à chaque classe pour évaluer les parcours numériques autonomes en faisant essentiellement porter les retours sur leur fluidité et leur scénarisation de manière à évaluer l’intérêt de la déclinaison ludifiée.

Ce questionnaire commun portera en particulier :

  • sur l’intérêt du parcours autonome par exerciseurs pour assimiler la notion et sa démarche d’analyse
  • sur les défauts et les qualités d’un tel parcours autonome
  • sur l’intérêt de présenter le parcours sous la forme d’une aventure narrative, c’est-à-dire en le ludifiant sommairement

Analyse des questionnaires-retours

Pour rappel :

  • "Classe A" : parcours par "plan de travail"
  • "Classe B" : parcours ludifié

La première question posée a eu vocation à distinguer par une choix unique les élèves ayant pratiqué le parcours "plan de travail" du parcours ludifié.

La deuxième question se présentait sous la forme d’une échelle de Likert permettant de mesurer l’impression de compréhension, sur une échelle de 5, des éléments majeurs de l’activité. Si l’on constate globalement une évaluation plus positive des acquis dans la "Classe B", l’addition des réponses 4 et 5 aux diverses entrées traduit un sentiment d’acquisition et de compréhension similaire quelle que soit la modalité du parcours. Les résultats sont exprimés en pourcentage des répondants.

La troisième question portait sur les défauts constatés dans le parcours proposé, en permettant des choix multiples (jusqu’à 3), et la quatrième sur les atouts de cette modalité de travail. Dans les tableaux ci-dessous, les écarts majeurs ont été indiqués en rouge.

On constate que les textes accessoires visant à ludifier le parcours sont reçus par les élèves comme des défauts du parcours ("Classe B") : trop longs ou trop fréquents, ils semblent source de confusion dans l’assimilation des enjeux et informations du parcours.
De façon plus surprenante et plus difficilement explicable, les élèves de la "Classe B" ont moins ressenti que ceux de la "Classe A" le besoin de poser des questions face aux difficultés. Peut-être la ludification décorèle-t-elle les acquisitions des habitudes incitant à interroger l’enseignant·e ? Ou bien s’avère-t-elle un moyen, à travers les transitions narratives qu’elle propose, de mieux cadrer et orienter les activités des élèves ?

Une quatrième question réservée à la seule "Classe B" ayant expérimenté le parcours ludifié portait sur l’évaluation de ses atouts et défauts.

Si la dimension ludique est bien soulignée, le cadre narratif semble donc jugé plus sévèrement, à la fois à cause du désintérêt qu’il inspire et de sa dimension naïve.

Une dernière question ouverte (Q5) permet de préciser la réception des élèves selon le parcours expérimenté. Parmi les réponses indiquées, celles mentionnées ci-dessous sont apparues les plus représentatives.

Classe A

- Pour moi cette activité était intéressante. Tout d’abord, le découpage en activités est bien car on peut avoir une correction à chaque fin d’exercice. Je pense néanmoins que certaines réponses pourraient être plus tolérées. En tout cas, les points de cours sont très clairs et j’ai pu comprendre les enjeux des phrases interrogatives.
 Très bonne idée de proposer des analyses de phrases comme au bac et une façon de les présenter !
 Manière plus ludique de travailler en autonomie chez soi !!!
 Je trouve que c’est plus dur à comprendre que lorsque quelqu’un nous explique.
 J’ai trouvé les exercices très bien pour la compréhension, comme ça l’on peut voir directement ce que l’on comprend ou comprend pas et les consignes des exercices sont très claires. Un petit problème sur l’exercice 2 de l’interrogative direct.

Classe B

- L’idée de rendre un cours de grammaire plus amusant et interactif est motivant en revanche il y a beaucoup de texte sur l’aventure, c’est trop long et donc je n’ai pas pris le temps de le lire ce qui est dommage car il n’y a plus le côté ludique. Il faudrait le raccourcir ou créer des exercices interactifs sans forcément raconter d’histoires.
 Très bien pour apprendre ! Cela permet de bien rentrer dans le travail et surtout facilement. Néanmoins je trouve qu’il y a beaucoup d’écritures notamment pour faire avancer l’aventure qui pour moi peuvent être raccourci mais ça reste pas très dérangeant !
 Moi j’ai trouvé que c’était bien de faire ces exercices sur cette forme là. Le fait de raconter les histoires (même si elle est infantile) et après faire les exo ça motive et ça aide à bien comprendre. Ça intrigue aussi donc moi j’ai bien aimée.
 Déjà mentionné dans le questionnaire, mais le texte d’aventure pourrait être supprimé ou changé en d’autres exercices car de mon point de vue il n’aide pas à la compréhension.Peut-être aussi si possible rappeler (rapidement !) les thèmes de grammaire (qui sont censés être maitrisés ) qui ne font pas partie de l’interrogative. (ex : phrase complexe, nature, etc...) à la place de la valeureuse quête que l’on nous propose ? Sinon contenu clair, la partie ludique n’apporte pas que du négatif car elle change des des méthodes habituelles

Synthèse des retours des élèves

Les réponses au questionnaires qu’ont pu confirmer des échanges en classe tendent globalement à valider la pertinence d’un parcours autonome par le biais d’outils numériques qui introduisent pour les élèves une forme de variété, des retours individuels immédiats et une dimension ludique appréciée. L’approche de la notion grammaticale choisie s’en est trouvée enrichie, et l’implication des deux classes dans les activités s’est ultérieurement traduite par une assimilation remarquable de la notion et des critères de son évaluation à l’examen — notamment grâce au dernier exercice leur permettant de se placer dans une posture d’évaluation de prestations fictives enregistrées par l’enseignant.

En revanche, le parcours ludifié est globalement perçu comme une forme extrême de ce ludisme et un frein à une progression individualisée et maîtrisée. L’introduction d’une dimension narrative liant divers exercices apparaît pour les élèves redondante : les supports numériques et surtout la variété des modalités d’entraînement suffisent à capter et retenir leur attention.

En somme, pour partielle, incomplète et peut-être orientée qu’elle soit, cette expérience de comparaison des réceptions de deux parcours fait douter de l’intérêt, pour des élèves de lycée, de la ludification des apprentissages telle que la proposent à l’heure actuelle les plateformes majeures. En effet, elle s’y incarne souvent à travers un fil narratif archétypal qui crée davantage un décalage qu’une implication pour ce public. En outre, rien ne démontre dans le cas étudié qu’elle accroît chez les élèves l’acquisition des connaissances et compétences — alors même qu’elle impose, pour l’enseignant·e, une charge de travail supplémentaire d’adaptation.

Limites et perspectives

  • Comme à chaque fois qu’il s’agit de construire un parcours d’apprentissage à l’aide d’outils numériques, ce travail :
    • accroît initialement le temps de conception par l’enseignant. On peut néanmoins considérer que la correction assistée des élèves le compense à terme, d’autant que les exerciseurs H5P et l’intégration à Moodle semblent assurer aux ressources une forme de pérennité.
    • interroge la part de l’interface numérique dans l’adhésion des élèves à la démarche d’apprentissage comme à celle de ludification. En proposant le même scénario sur feuille à travers des étapes balisées par la mise en page, l’implication des élèves serait-elle la même tant on mesure combien, chez certains, le numérique est en lui-même un vecteur d’attention ? Les élèves qui ont expérimenté ce parcours décliné en deux versions sont en effet initiés dans leur établissement à l’usage de Moodle dans plusieurs matières. L’interface leur est donc familière au point de banaliser l’usage des outils évoqués. Dans d’autres contextes, le simple passage par un exerciseur numérique pourra déjà apparaître comme une forme de ludification.
  • Le questionnaire-retour proposé comportait plusieurs questions aux réponses guidées (QCM) qui peuvent apparaître comme des manières d’orienter la réception qu’en ont les élèves. De plus, la formulation même des questions peut être perçue comme un biais. Peut-être que le type de questionnement plus ouvert retenu en Q6 permettrait de la part des élèves un jugement plus nuancé sur les modalités de travail expérimentées.
  • La démarche a consisté à mettre à l’épreuve une forme de scénarisation ludifié assez naïve. D’autres choix d’expression, d’illustration et d’interface limiteraient le caractère caricatural et décalé du parcours — et il faudrait alors peut-être considérer différemment l’impact de la proposition sur les élèves. De la même manière, le reproche lié à la longueur des textes fréquemment adressé au parcours ludifié pourrait être limité par une rédaction plus dense et moins caricaturale des transitions entre les exercices. De telles inflexions s’avèrent aujourd’hui très dépendantes des plateformes et interfaces à disposition, dont la relative simplicité d’usage limite sans doute la souplesse et le potentiel ludique, surtout en comparaison des pratiques numériques que peuvent par ailleurs développer les élèves à travers un panel infini d’applications ou de jeux-vidéo.
  • L’objet d’étude retenu, relativement simple et centré sur l’étude de la langue, rend assez évident la mise en œuvre séquentielle. Peut-on envisager d’ainsi ludifier l’étude d’un texte voire d’une œuvre intégrale ? Probablement — et l’on peut d’ailleurs penser que le scénario y gagnerait en pertinence puisqu’il participerait lui-même de l’apprentissage (découverte d’un personnage, d’un aspect de l’œuvre, d’un motif thématique…). Mais ce sont alors les activités numériques autonomes elles-mêmes qui nécessiteraient d’être repensées et adaptées : quels outils en effet pour accompagner le dévoilement du sens ou l’étude d’une écriture ? Comment configurer des réponses attendues ou retours dès lors que le travail attendu échappe aux réponses simples de QCM, textes à trous ou glisser-déposer ?